Le 25 janvier 2024, le Conseil Constitutionnel a censuré presque la moitié de la loi adoptée par défaut le 19 décembre précédent, sous la pression de l’exécutif soucieux de sortir au plus vite de la séquence calamiteuse induite par la droite dure. Les amendements retoqués sont en l’occurrence quasi-exclusivement ceux qu’avait introduits le Sénat, sous l'égide du président du groupe des Républicains...
On en est arrivé ainsi à la loi du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » (JO du 27). Il faut noter que la plus grande partie des articles invalidés l'ont été pour des raisons de forme (« cavaliers législatifs », sans lien avec le texte en discussion), et non de fond (principes d'égalité, de fraternité, etc) -sur lesquels le gouvernement actuel peut donc revenir !
La loi promulguée reprend les dispositions non invalidées par le Conseil Constitutionnel. Elles n’en demeurent déjà pas moins tout à fait inquiétantes. Citons, par exemple : l’institution du juge unique au lieu d'une formation collégiale pour statuer sur les demandes d’asile soumises en appel à la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) ; la possibilité de recourir à la vidéo-audience pour juger du maintien en rétention des étrangers ; la levée des protections dont bénéficient les enfants arrivés en France avant l’âge de 13 ans ; le conditionnement de la délivrance de visas à la bonne coopération des pays d’origine en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière (les « laisser-passer ») ; la possibilité pour un département de refuser de continuer d'accorder l’Aide Sociale à l’Enfance à des jeunes majeurs ayant fait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) ; la création d’un fichier de mineurs étrangers suspectés d’être des délinquants.
Sans compter une série d’articles n’ayant pas été explicitement soumis au contrôle du juge constitutionnel lors de la saisine, applicables. Par exemple, la possibilité de placer en centre de rétention certains demandeurs d’asile à la frontière.
Certes, il reste la faculté d’une régularisation possible des personnes sans papiers employées dans certains métiers et zones « caractérisés par des difficultés de recrutement » : une carte d’un an (admission exceptionnelle au séjour - instruction du 5 février 2024).
Dans le contexte actuel, la société civile, les citoyens que nous sommes, sont déterminés plus que jamais à rester des acteurs vigilants pour maintenir la valeur suprême de nos démocraties -aujourd’hui si menacées- l’Etat de droit et le bien commun pour tous (le contraire de la "préférence nationale"). Il ne s'agit pas de broyer des vies supplémentaires !..
Le Réseau Chrétien - Immigrés, aux côtés de nombreuses autres associations, telle la Cimade avec laquelle il s’efforce de faciliter la difficile régularisation des personnes exilées, va poursuivre plus que jamais son combat en ce sens, en cherchant aussi à lutter contre les idées reçues, qui ont une grave tendance à obsurcir le paysage public.